Nous connaissons tous (j’imagine) Jean-Pierre Koff et ses coups de gueule au sujet de la « malbouffe ».
Depuis de nombreuses années, il tente de toutes ses forces de nous faire comprendre que nous devons apprendre, à nouveau, à mieux manger. Plus sainement. Privilégier les « bons produits » aux sirènes des plats surgelés, préparés, emballés sous vide. Eviter de manger de la restauration rapide d’enseignes réputées et affublées de « mc » ou « kwik » etc…
Je le trouve assez persuasif mais j’avoue être bon client et donc nullement objectif. En effet, bien que n’étant absolument pas en surpoids, j’adore cuisiner. Pas des miracolis ou autre mais de la nourriture qui prend de mon temps et de la préparation minimum. Quel plaisir de manger ce que l’on a préparé et… qui est bon.
Cependant, quand je discute avec les ados ou moins jeunes, je constate qu’il est quasiment impossible de leur faire comprendre la démarche du brave Jean-Pierre.
Et pourquoi me direz-vous ? Son message est simple et plein de bon sens ? Donc facile à faire passer…
Et bien non. Sa cause est quasiment perdue si on ne tient pas compte de ce merveilleux mot qui est le « formatage ».
Bien que le terme est essentiellement utilisé en informatique, il peut être appliqué au combat de Jean-Pierre. La plupart des adeptes de la nourriture moderne (appelons cela ainsi) ont effacé pratiquement toute trace du goût et préparation d’antan. On a tous vu des émissions de TV où l’on faisait goûter des cordons bleus faits maison et d’autres « usinés ». La grande majorité des enfants se tournent vers les versions usinées. Ne les blâmons pas. Ils n’ont presque rien connu d’autre depuis leur naissance. Ils sont tout simplement « formatés ».
Et je parle en toute connaissance, je suis père de deux ados 100% 21ème siècle.
Alors pourquoi je vous embête avec mon discours culinaire rétrograde du 20ème ?
Pour la simple raison que je suis de plus en plus confronté au même combat que le brave Jean-Pierre mais dans mon domaine : la photo.
Il est de plus en plus courant que l’on me demande d’appliquer le look instagram à mes clichés. Des clichés dans lesquels j’ai, non seulement, investi de l’argent (via mon matériel que j’estime performant) mais aussi mon modeste savoir faire, mon désir du bon boulot et donc beaucoup de temps. Alors quand on me demande un effet « photo ratée » comme avec mon jetable en carton de 1978 sous prétexte d’originalité voir même d’authenticité. Croyez-moi, mon sang fait plus qu’un tour.
J’ai, au début, je l’avoue, accédé aux demandes des clients couronnés. Le client est roi. Soit… Mais le roi de quoi ? Puis, je me suis permis de penser que je pouvais avoir raison jusqu’à en être persuadé. Conclusion : Fin de non recevoir.
Je ne transforme pas mes clichés en soit-disant photos authentiques. Et je refuse même qu’on se permette de me créditer si l’on s’est permis de passer outre mon souhait appuyé.
Comme il y a la malbouffe, il y a la « malphoto ». Les Smartphones de tous bords et leurs fameuses « App » ont formaté nos yeux. Comme les fastfouteurs de gueule nous ont détruit les papilles.
Indignez-vous, s’exclama Stéphane Hessel. Pour ma part, je dirais : Reformatez-vous !
Le phénomène doit probablement pouvoir se transposer à d’autres disciplines (musique, littérature, théâtre, cinéma…) mais je ne parle que de ce que je connais.
Comprenons-nous bien. Je ne suis pas hostile aux progrès et autre modernité. Sinon, je serais occupé à développer mes clichés dans ma chambre noir (ou rouge, c’est selon) ou même je serais en train de seller mon cheval pour aller quérir de quoi me sustenter à l’approche du coucher de soleil.
C’est parce que je suis pour le progrès que je souhaite la qualité engendrée par… le progrès. CQFD
Préférez-vous ma version de ce cliché ou celui consternant à la Instagram (mal équilibré, couleur horrible, balance de blanc à pleurer etc…) dont je n’ai pas osé pousser l’effet comme parfois on me demande ? A vous de choisir.
Pour ma part, je ferai parler Jean-Pierre à ma place : c’est de la merde !